“Je risque 2 ans de prison et 30 000 € d’amende pour de la farine et de l’eau !”

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“Je risque 2 ans de prison et 30 000 € d’amende pour de la farine et de l’eau !”

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Alex, prévenu le 07.10 à Lyon au Tribunal de Grande Instance de Lyon, partage son témoignage. #NiPubNiProces

Bonjour,

Je m’appelle Alex, j’ai 26 ans et lundi 7 octobre je serai en procès au Tribunal de Grande Instance de Lyon. Je suis poursuivi à la suite de l’action de recouvrement publicitaire géant de la métropole de Lyon du 24 mars dernier. Cette action s’est faite avec des affiches publicitaires récupérées et découpées, avec de la farine et de l’eau, 3 banderoles, ainsi qu’une quarantaine d’autres citoyen.ne.s. Le dimanche 24 mars, immédiatement après le recouvrement je me suis fait interpeller et j’ai passé 26h30 en garde à vue en pleine journée mondiale contre la publicité.

Pourquoi recouvrir la métropole de Lyon de publicités ?
Un projet de RLPI (Règlement Local Publicitaire Intercommunal) est en discussion depuis des mois. Ce RLPI va légiférer sur la place de la publicité dans la métropole lyonnaise pour les prochaines années. Après plusieurs rencontres, des concertations publiques, des pétitions, la métropole de Lyon présente un projet de RLPI, le 14 mars. Il se révèle permissif, envahissant et néfaste pour la planète, avec notamment l’autorisation d’écrans numériques. En résumé, malgré la mobilisation de citoyen.ne.s et de collectifs, malgré la volonté des habitant.e.s qui ne veulent ni écrans numériques, ni publicités géantes, la métropole de Lyon continue de faire la sourde-oreille sous la pression des lobbies de la publicité. Savez-vous que nous recevons déjà entre 1200 et 2200 messages publicitaires par jour ?! Oui par jour !!! Quelle influence ces messages publicitaires peuvent-ils avoir sur nous ? Nos envies ? Nos goûts ? Notre imaginaire ? Nos besoins ? Nos choix ?

Les 2 raisons principales qui m’ont fait devenir un militant “anti-pub” sont :

  • Aujourd’hui, comment échapper à la publicité ? Tu ouvres une application sur ton smartphone, de la publicité. Tu passes devant une télévision, de la publicité. Tu allumes la radio, de la publicité. Tu vas sur internet, de la publicité. Tu vas jouer au foot avec des copains, de la publicité. Tu te promènes dans la rue, de la publicité. Tu prends les transports en commun, de la publicité Etc. Impossible d’y échapper !
  • Je crois qu’aujourd’hui l’urgence climatique n’est plus à démontrer et il s’agit d’un défi immense, qui nécessitera des changements radicaux. Comment relèverons-nous ce défi avec des publicités pour Macdo ou pour des SUV devant nos écoles ?!

Je peux ajouter que la publicité véhicule le sexisme, le conformisme, la surconsommation. J’aurais pu dire qu’un écran numérique de 2m² consomme autant qu’une famille avec 1 enfant (7000kWh/an), que la publicité ne profite qu’aux grands groupes et pas à nos petits artisan.ne.s et commerçant.e.s. Et pour finir j’aurais pu dire que l’argument financier, consistant à dire que la publicité rapporte à la métropole de Lyon est tout simplement ridicule, puisqu’il s’agit d’une somme dérisoire à l’échelle du budget (moins de 1%). Stop au Green Washing place aux actes !

Comment en suis-je arrivé là ?
Je vais remonter quelques années en arrière. Ayant de bons résultats à l’école, j’intègre en 2010 une prépa HEC (classe préparatoire aux grandes écoles de commerce). A cette époque je suis un pur produit du système, prêt à travailler dur pour le faire perdurer. C’est paradoxalement à ce moment là que je commence à me rendre compte de certaines aberrations de notre système économique. Cette prise de conscience, combinée à un coup de fatigue et à un manque criant de solidarité et d’entraide au sein de ma promo, m’amène à arrêter et me réorienter. Ce monde n’est pas pour moi ! J’intègre alors un IUT, puis l’école d’ingénieur Centrale Lyon.
C’est lors de mon DUT que j’entends parler de manière plus poussée de dérèglement climatique. Pour autant je continue à penser que les actions individuelles suffiront.
Le premier élément déclencheur de ma prise de conscience, c’est une discussion avec mon petit frère en 2015. Après avoir écouté par hasard une émission de radio sur l’écologie et la nomination d’un jeune “prodige” au ministère de l’Economie, j’en viens à lui répéter bêtement les arguments entendus dans cette émission de radio. Il explose de rire, me traite “d’imbécile” et démonte un par un tous mes arguments. Honteux de m’être fait clouer le bec par mon petit frère je commence à creuser ces sujets pour savoir quoi répondre la prochaine fois.
C’est lors de la campagne présidentielle 2017 que je me politise véritablement et que j’arrive à faire un lien clair entre justice sociale et justice climatique. C’est aussi à cette période que j’ai mes premiers engagements. Très vite je dois les arrêter afin de pouvoir consacrer l’essentiel de mon temps à ma maman, gravement malade, qui nous quittera le 4 janvier 2018. C’était la meilleure des mamans, une femme forte avec des convictions et qui se battait pour ses idées. Je sais qu’elle serait fière de moi. Adolescent, je la charriais quand elle allait en manif en lui disant qu’elle était fainéante ou qu’elle prenait la France en otage. Quel petit con !

Fin 2018, le rapport du GIEC, les premières marches Climat et le mouvement des Gilets Jaunes me donnent envie de (re)monter en selle. J’intègre Lyon Climat et participe à l’organisation de la chaîne humaine du 27 janvier 2019. J’entre alors en contact avec le collectif Plein La Vue (collectif engagé pour la réduction de la publicité dans l’espace public et qui travaille à peser sur la rédaction du RLPI). Et c’est ainsi qu’un soir après un atelier de confection d’affiches à l’AlternatiBar pour le collectif Plein La Vue, ma copine et moi sommes amené.e.s à tenir le bar pour la soirée à la suite d’un désistement d’un bénévole. Depuis nous ne sommes jamais vraiment ressorti.e.s de l’AlternatiBar Maison des Alternatives, local du Collectif Alternatiba/ANV Rhône.

J’ai rencontré des gens fantastiques, j’ai donné un coup de main sur l’organisation d’un stand au salon Primevère, puis je me suis proposé pour représenter Alternatiba ANV Rhône dans le groupe de travail pour aider au développement de la Gonette (monnaie locale et citoyenne lyonnaise) et je me suis formé à l’action non violente. De fil en aiguille, j’en viens à participer à cette action anti-pub et à faire 26h30 de garde à vue qui mèneront à ce procès.

Pourquoi désobéir va-t-il faire avancer les choses ?
Cela part d’un constat assez simple : j’ai changé ma manière de consommer, je ne jette rien par terre, je coupe l’eau après m’être brossé les dents, j’éteins la lumière quand je quitte une pièce, j’ai signé la pétition “l’affaire du siècle” avec 2,3 millions de citoyen.ne.s, j’ai marché avec 300 000 personnes, j’ai manifesté… mais rien ou presque ne change, au mieux des petits pas. Si nous avions 300 ans devant nous pour relever le défi climatique alors oui, la stratégie des petits pas serait la plus cohérente. Malheureusement nous n’avons plus de temps d’après les scientifiques. La désobéissance civile a fait ses preuves et participe à changer le rapport de force, à faire réagir et à montrer la légitimité de nos actions. Dans ce cas précis, nous avons épuisé toutes les voies légales pour nous faire entendre et peser sur le sujet. Les effets destructeurs de la publicité ne sont plus à prouver et personne dans mon entourage se dit être pour la publicité, pourtant nos représentant.e.s veulent nous imposer encore un peu plus de publicité. Cette invasion sans notre consentement dans un contexte d’urgence climatique m’a déterminé à passer à l’action.

Le 7 octobre j’ai besoin de votre soutien. Je risque 2 ans de prison et 30 000 € d’amende pour avoir voulu dénoncer les impacts et l’emprise de la publicité dans un contexte d’urgence climatique. Je ne serai pas seul : nous serons des milliers présents à Lyon et sur les réseaux sociaux.

Ensemble nous sommes une force immense !

Merci à vous ! ❤️
#NiPubNiProces

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